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jeudi, mars 31, 2016

Et si la peur...

Journal d'un plumitif

Je ne sais pas vous, mais moi, je trouve que la peur est bien souvent le versant négatif d'un élan tout aussi humain mais bien plus dynamique et positif: la curiosité. Je ne parle pas de la curiosité que l'on passe à habiller en vilain défaut pour les enfants que nous formatons à longueur de générations. Ni celle qu'il faudrait plutôt dénommer indiscrétion.

Je parle de la curiosité qui donne envie d'apprendre. De celle qui nous pousse à ouvrir un livre, à écouter quelqu'un que l'on vient de rencontrer ou que l'on veut mieux connaître; de celle qui va nous faire ouvrir une porte juste pour découvrir ce qu'il y a de l'autre côté.

La peur peut évidemment nous empêcher de faire tout cela. C'est la peur de l'inconnu. Pourtant, par définition, on ne peut pas avoir peur de quelque chose qu'on ne connaît pas puisque nous n'avons aucune info qui nous indique un danger quelconque. Vous me direz, que de l'autre côté, il peut y avoir quelque chose ou quelqu'un qui nous fera ou nous veut du mal. Quelque chose qui peut nous sauter au visage. Pourtant, nous sommes plus sûrement déçu par des gens que l'on pensait connaître. Pourtant, on sait malheureusement que les bombes explosent plus souvent dans les endroits où nous sommes le plus souvent en confiance. Je sais, vous allez me dire que j'écris ce billet dans la foulée des attentats de Bruxelles. J'ai longuement hésité à le faire pour éviter cette critique et aussi pour ne pas ajouter de l'anxiété à l'anxiété. Ceux qui me connaissent reconnaîtront dans mes propos d'aujourd'hui, d'autres tenus depuis de nombreuses années. Voire dans certaines chroniques plus anciennes de ce blog.

Mais qu'importe si l'on m'attribue cette intention! Car après tout, le moment est bien choisi pour crier haro sur la peur. Celle que des terroristes veulent nous imposer. Celle qui pourrait nous empêcher de vivre, si pas comme avant, au moins tout simplement, de vivre. Voire d'avantage: d'encore mieux et d'enfin profiter de la vie.
Bon moment donc pour combattre cette peur qui pourrait nous faire rejeter (encore plus?) l'autre, non?

Oh! Bien sûr, vous me direz qu'il est parfois bon d'avoir peur. Si elle conduit à la prudence, tant qu'elle ne paralyse pas. Vous me direz qu'il est des pays qu'il fait bon découvrir et d'autres qu'il vaut mieux ne pas visiter. Merci de me donner raison: car pour reprendre cet exemple de contrées à éviter, c'est précisément parce que nous avons des infos qui alertent sur des épidémies, des renseighements qui indiquent que les droits de l'homme y sont bafoués; que l'on y meurt pour simplement avoir exprimé une opinion; c'est donc précisément pour ces raisons (et bien d'autres) que nous n'y allons pas. Mais comment avons-nous connaissance de tout cela? Justement parce que des femmes et des hommes (médecins, infirmiers, journalistes, religieux, volontaires, bénévoles...) y vont et contribuent à dénoncer ces atteintes aux libertés pour revendiquer la Liberté dont nous jouissons chez nous.

Encore que nos libertés individuelles soient de plus en plus menacées... A cause de quoi? A cause de la peur, précisément. Celle qui nous fait accepter voire réclamer des mesures que l'on aurait jugées intolérables en d'autres temps.

Je ne me prends pas plus pour courageux, ni plus curieux ni plus tolérant que le commun des mortels. Mais personnellement, la plus grande peur que je connaisse, est qu'il arrive malheur à mes enfants et à mes proches en général. Cette peur-là peut cependant aussi nous conduire à faire preuve du plus grand courage qui soit. A notre grand étonnement, le plus souvent. Et si cette peur nous conduisait, malgré tout, à encourager nos enfants à être curieux? A les encourager à ouvrir ce livre, à aller vers l'autre, cette personne que l'on pense différente par ignorance? A les inciter à pousser cette porte pour aller voir ce qu'il y a de l'autre côté? Car après tout, et pour paraphraser Boris Vian, une porte de sortie, c'est une entrée que l'on prend dans l'autre sens, non?

Boris Vian, poète, écrivain et musicien qui n'a pas hésité à continuer à jouer de la trompette malgré une faiblesse physique qui aurait dû lui faire peur et l'empêcher de mener sa vie d'artiste. D'accord, il est mort jeune, en partie faute de s'être ménagé. Parce qu'il n'avait pas peur de ce qui pouvait lui arriver. Ou alors, au contraire, lui, artiste polymorphe (parolier, chanteur, comédien...), lui qui avait tant d'idées, tant de projets, avait-il eu simplement peur de ne pas vivre tout ce qu'il avait à vivre avant de mourir.

Si cette peur-là peut nous donner l'audace de faire de notre vie une oeuvre d'art, alors je la fais mienne...

Et qu'elle puisse contribuer à remplir notre vie de journées et de nuits encore plus belles... et rebelles!

Yvan Scoys

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